Cathy, Professeure de Yoga intégral

Journal d’une nomade #5 Seule

Assise dans mon véhicule aménagé, je regarde le lac Bleu de Bergon devant moi, entouré de sa belle verdure généreuse. Je suis ici seule, comme à chaque fois que nous arrivons dans un nouvel endroit Happy mon chat est parti faire ses repérages. C’est le tout premier jour de vadrouille depuis la transformation de Trangoulette, ma voiture, que nous avons rebaptisé Trangoulette Vittoria maintenant qu’elle est toute belle. Avec mes amis, nous avons imaginé une structure en bois offrant des rangements accessibles par des trappes, sur laquelle un matelas pliable en 3 est déposé. Tantôt banquette, tantôt lit 2 places, de quoi faire de beaux rêves en faisant l’étoile.

Tout est prêt pour que mon aventure soit au top, pourtant j’ai un nœud à l’estomac. Je ne peux rien avaler tellement je me sens déboussolée. Je me pose mille questions. Pourquoi ai-je eu besoin de vivre cette expérience ? Que vais-je faire à présent ? Comment occuper mes journées puisque les contraintes technologiques m’obligent à passer le minimum de temps connectée.

J’ai mis mon studio de yoga en ligne en mode ralenti. J’ai boudé les réseaux sociaux et tout cela m’amène à cette conclusion effrayante : suis-je prête à mourir aux yeux du monde extérieur ? Que va-t-il se passer si je ne donne plus de mes nouvelles ? Les gens risquent de m’oublier, remplacée par une autre prof de yoga, une autre personne inspirante, comme si je n’avais jamais existé. Telle est la loi de ce monde factice des « amis » du numérique.

Nous sommes tellement dans le FAIRE en permanence et soudain il ne me reste plus qu’à ÊTRE.

J’ai peur. J’ai l’impression que je vais mourir.

Pourquoi est-ce que je me suis mise dans cette précarité ? Quel est le but de tout cela ? Et encore cette question, que vais-je faire de ma vie ? Le vide est effrayant. Nous sommes tellement conditionnés par la nécessité de remplir. Remplir les moments de creux de la journée, remplir les espaces vacants, remplir sa tête et son téléphone d’images, de vidéos, de connaissances, de followers.

L’enthousiasme avec lequel j’ai mis en place toute cette aventure a pourtant bien existé ! Depuis le départ je suis guidée par l’élan de mon cœur. Et maintenant ? Où donc est passé cette belle énergie ? Pourquoi suis-je si changeante, si instable, si apeurée ? Pourquoi je ne me suffis pas d’une vie classique que des millions de gens acceptent sans se poser de questions. Un CDI, une paye à la fin du mois, des collègues, des horaires, 5 semaines de vacances par an.

Je regarde devant moi, assise sur ma banquette canapé, les portes de mon Expert ouvertes sur la nature. La beauté, le calme et la sérénité contrastent tant avec mon agitation et mes doutes intérieurs.

Je suis devenue nomade pour me confronter à ce sentiment d’insécurité que je sens en moi depuis l’enfance. Héritage de mes parents, d’une enfance difficile et surtout d’un manque d’amour. J’ai eu à cœur de me confronter à ce monstre intérieur qui dévore mes projets, mes amours, mes finances. Ne garder que ce qui tient dans ma voiture et vivre avec les éléments de la nature est un chemin initiatique que j’ai voulu expérimenter en conscience.

J’y suis à présent.

Je viens d’entrer dans cette grotte et je regarde le monstre, le ventre noué, la gorge serrée et le mental en ébullition. Je me surprends à rêver d’un job à plein temps et de contraintes. N’est-ce pas cela la lutte de mon égo qui cherche à me faire croire que j’en ai soudainement envie ?

Mon mental égo met les bouchées doubles pour prendre les commandes de mon être et me faire douter du bien fondé de mon aventure de nomade.

Le combat ne fait que commencer. J’entends ces voix mais je ne m’identifie pas à ces propos.

Je choisis la liberté.

Pour me calmer, j’enlève quelques brindilles sur le sol et je déroule mon tapis de yoga sur l’herbe. Je commence par quelques salutations au soleil, puis des postures d’équilibre que je pratique tous les jours. Mon corps se muscle et apprivoise les aspérités du sol. Les équilibres quasi impossibles sur ma jambe droite sont maintenant beaucoup plus aisés. Si mon corps trouve son équilibre, cela signifie bien que mon esprit aussi rejoint cet équilibre non ?… Il est fragile pourtant, ma cheville vacille encore et je cherche toujours ce point d’alignement qui va me permettre de rester stable. Je sais au fond de moi que c’est justement cet équilibre que je suis venue chercher au fond de cette nature, dans ma petite maison roulante, seule avec mes démons.

Mon mental ne fait pas le poids face à la sérénité que m’apporte le yoga. La reconnexion à mon corps m’aide à me détacher de mes peurs qui ne sont que des projections imaginaires.

J’écris ces quelques lignes pendant que le jour se couche doucement, laissant place à une lueur en demi-teinte. Les derniers promeneurs ont quitté les lieux et les bruits de la nature s’intensifient, comme si tout ce petit monde se faisait plus discret durant la journée pour ne pas être surpris. Alors qu’un petit lapin caramel s’approche de la voiture en sautillant, confiant, je retiens mon souffle pour ne pas l’effrayer et profiter encore un peu de cet instant simple et si beau à la fois.  Soudain il s’aperçoit qu’il n’est pas seul et détale pour se cacher dans les buissons. La parenthèse enchantée s’achève et je replonge dans mes pensées.

Je ne sais ni ce que cette aventure va m’apporter, ni combien de temps cela va durer, mais je suis certaine que j’en sortirai grandie, guérie et libérée de mes peurs. Car aussi profond est l’abysse du désespoir, aussi vertigineux en est le trésor récolté.

Mes yeux s’habituent à la pénombre. Les arbres qui m’entourent m’offrent un spectacle en ombre chinoises, sur fond musical de cigales et de chants de crapauds. J’ai choisi de ne pas allumer de lumière pour me fondre dans ce décor mais je ne distingue presque plus le clavier sur lequel j’écris. Me syntoniser avec la nature c’est aussi accepter de fermer les yeux et de les rouvrir au rythme de sa clarté. J’abandonne alors mon ordinateur, laissant en suspend les mots que je cherche à exprimer comme une thérapie dans ma solitude. Il affiche assez de batterie pour que je puisse terminer cet article demain matin, riche de mon expérience nocturne. Je reste là, assise sur mon lit, à regarder la nuit s’installer. L’instant n’a jamais été aussi présent. Contrairement à tout ce que j’aurais imaginé, les bruits de la nature me rassurent, les insectes sont devenus mes amis, mis à part les moustiques !

La chaleur intense de cette journée de juillet a laissé place à une douce tiédeur que je savoure. Je remplie ma petite bassine d’eau et je saisis mon savon solide, que j’ai fabriqué avec des produits naturels, pour me purifier de toute cette moiteur. Les vêtements retirés, je suis nue dans le noir devant mon véhicule. C’est une étrange sensation de liberté et d’interdit à la fois. Je me savonne, me rince en versant ma bassine d’eau fraiche sur mon corps et mes cheveux. C’est si bon la vie, si simple aussi quand on ne se la complique pas par nos pensées sombres. Cette douche de fortune me rend heureuse, je retrouve la femme sauvage qui est en moi.

Allongée dans mon lit, la porte ouverte de mon véhicule, je suis bercée par le chant des cigales, le sifflement léger du vent dans les arbres, le cri soudain et surprenant d’un oiseau dont je ne connais ni l’apparence ni le nom. Pendant que les étoiles veillent sur moi, la vie bat son plein dans cette forêt, tous ces petits êtres s’agitent et m’offrent un merveilleux cadeau.

Je ne suis pas seule. Je ne fais qu’UN avec ce monde.

Happy est rentré et s’est posé près de moi. Cette petite boule de poil chaude, qui expérimente la liberté aussi, semble se plaire dans sa nouvelle vie. Sa présence, mêlée au sommeil qui m’emporte doucement, m’enveloppe dans un cocon imaginaire, je me sens à la maison. Exténuée par tant d’émotions, je m’endors.

Le soleil s’est levé, j’ouvre les yeux après une nuit réparatrice. Mon téléphone portable est éteint et je n’ai aucune idée de l’heure qu’il peut être. Qu’importe. Ce matin, mes idées sont plus fraîches et ont retrouvé une certaine neutralité. Je me prépare un café, sors mon pain et mon beurre salé pour manger quelques tartines tout en plongeant mon regard sur le lac et ses environs. Je m’aperçois alors que je n’ai presque rien mangé depuis plusieurs jours et que ces quelques tartines me font l’effet d’un repas de fête.

Par manque d’expérience dans ma vie de nomade je me suis posée près d’une promenade. Nous sommes dimanche, les promeneurs se succèdent. Ils courent ou marchent tranquillement et me découvrent avec surprise. Je leur offre un spectacle, moi assise sur ma banquette en train de déguster un café, comme une sorte d’anachronisme spatio-temporel.  Je lis dans leurs yeux de l’étonnement, de l’envie ou même de la compassion. C’est drôle comme chacun traduit ce qu’il regarde à travers ses propres filtres. Tout ce que nous projetons passe par la moulinette de nos croyances, notre histoire, notre éducation, nos racines.

Un écureuil court et grimpe sur un arbre, l’instant s’arrête, je ne fais plus un geste pour ne pas lui faire peur, dans l’espoir de pouvoir admirer ce petit animal le plus longtemps possible. C’est un instant de grâce qui me nourrit. Je me sens chanceuse et en grande gratitude malgré tous les doutes qui m’ont assailli hier.

Après ce baptême de nomadisme et ma première bataille remportée contre moi-même, je me sens plus forte et prête à continuer mon chemin vers ma sérénité intérieure. Je suis heureuse d’être là.

J’ai choisi la liberté.

Merci la Vie.

Cathy

Si vous souhaitez suivre mon aventure nomade, rejoignez ma chaine Youtube : Les Pionniers du Nouveau Monde. La petite cloche et le pouce bleu pour mettre les algorithmes dans notre poche et c’est parti pour la découverte !

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